« Sense8 » : Un hymne à l'amour et à la différence!
- Marc-Olivier Fritsch
- 23 juil. 2021
- 5 min de lecture
De Lilly et Lana Wachowski + J. Michael Straczynski Levinson (2015 à 2018 - 24 épisodes)
Avec Brian J. Smith, Tuppence Middleton, Doona Bae, Max Riemelt, Tina Desai, Miguel Angel Silvestre, Jamie Clayton, Aml Ameen, Toby Onwumere, Freema Agyeman, Terrence Mann, Naveen Andrews, Daryl Hannah, Alfonso Herrera et Eréndira Ibarra.

C’est très rare que je vous parle de série plutôt que de film. Mais je dois faire une exception : j’ai littéralement adoré Sense8 ! Tout y est beau : les messages, les acteurs, les couleurs, la musique, les images, les décors, les costumes, le scénario, tout, tout, tout, absolument tout !
Autant le dire d’emblée : homophobes, s’abstenir ! Ici, l’amour est célébré sous toutes ses formes et dans toutes les cultures. On peut avoir plusieurs pères, faire l’amour à trois (ou plus), deux hommes une femme ou deux femmes un homme, on peut naître dans un corps d’homme et finalement s’épanouir en femme. En un mot, il n’y a pas de limite à l’amour et au respect de ce qui nous fait vibrer, sauf bien évidemment le respect de l’autre et le consentement.

Sense8 nous raconte le parcours extraordinaire de 8 personnages hauts en couleurs, tous de nationalités différentes. Une drôle de connexion existe pourtant entre eux, un peu comme celle, inexplicable dans la vraie vie, qui préside à l’amour. Leurs relations se déroulent aussi bien sur les plans intellectuel, émotionnel que sensoriel. Une sorte d'alchimie s’établit alors entre ces 8 protagonistes. Elle fonctionne merveilleusement à l'écran, également grâce à des acteurs vraiment étonnants.

Brian J. Smith, joue avec une grande justesse Will Gorski, un policier américain tourmenté et généreux, vite rejoint par la rayonnante Tuppence Middleton qui incarne « Riley Blue » Gunnarsdóttir, une jeune DJ islandaise mélancolique et talentueuse.


La sud-coréenne Doona Bae, déjà très connue dans son pays, notamment pour ses films avec l’oscarisé Bong Joon Ho ou encore Cloud Atlas des Warchowski (tiens, tiens !) et Air Doll du grand réalisateur japonais Hirozaku Kore-eda, est bluffante de puissance dans son personnage de Sun Bak, une vraie guerrière lâchée par sa famille.

En parlant de battant, Wolfgang Bogdanow, un jeune voyou allemand impulsif, tiraillé entre son environnement criminel et ses envies d’ailleurs, est formidablement incarné par Max Riemelt. La série l’unit à la magnifique Tina Desai qui joue Kala Dandekar, une pharmacienne indienne très séduisante et timide, elle aussi prise entre traditions familiales et désirs personnels.

Séduisant, Lito Rodriguez, l’acteur mexicain joué par le mannequin espagnol, Miguel Angel Silvestre, l’est également terriblement. Son personnage est sensible et secrètement en couple avec un bel intellectuel.

Autre couple homosexuel, Nomi Marks, une blogueuse engagée et transsexuelle, tellement bien campée par l’acteur transsexuel Jamie Clayton, forme un superbe duo avec la pétillante Amanita incarnée par la belle Freema Agyeman.

Enfin, Capheus « Van Damme » Onyango, un conducteur de bus sympathique et rêveur est joué par Aml Ameen puis Toby Onwumere.

Les seconds rôles sont également mémorables. Même le rôle du méchant, surnommé Whispers ou le Cannibale, est extrêmement bien incarné par Terrence Mann qui inspire tour à tour la peur et le danger avant de devenir cet être énigmatique et impitoyable. Sans oublier les apparitions appréciables de Naveen Andrews, la célèbre Daryl Hannah ou encore Alfonso Herrera et Eréndira Ibarra qui apportent tous leur pierre à l’édifice de cette distribution étincelante.


Ainsi, toutes les frontières tombent dans Sense8, y compris entre les pays : on voyage en un clin d’œil de Berlin à l’Inde, en passant par Mexico, Chicago, Séoul, l’Islande ou le Kenya. Un joli rappel que ce tour du monde télévisuel : nous habitons tous la même planète et appartenons tous à la même espèce, quelles que soient nos différences historiques et culturelles.

Pas étonnant que ce petit bijou de série ait été réalisé par les talentueuses sœurs (ex-frères) Lilly et Lana Wachowski, fameuses créatrices de The Matrix ou encore de l’excellent Cloud Atlas. On sent d’ailleurs que la série est un peu autobiographique ou en tout cas l’expression du droit à la différence que revendiquent également les auteures dans leur vraie vie.
Certains esprits étroits n’y voient qu’une propagande insupportable de la cause LGBT. Personnellement, j’y vois un merveilleux hymne à la différence et à l’amour.
L’autre intérêt est de donner une exposition à des personnages qui n'en ont presque jamais : homos, transsexuels, Noirs, etc… En d’autre temps, on aurait intitulé la série « United Colors » !

Certes, les personnages ont tous une culture et une vision du monde différentes, mais ils se respectent. Si tout le monde pouvait essayer, comme eux, de comprendre l'autre, à commencer par son voisin, on vivrait probablement dans un monde plus sain.
Prouesses financière et technologique, non seulement le scénario se déroule aux quatre coins de la planète, mais les scènes ont également été tournées dans plusieurs pays différents permettant notamment d’admirer la beauté des paysages. D’ailleurs, les acteurs sont réellement des acteurs confirmés de leurs pays respectifs.

La réalisation est somptueuse également. Elle est même audacieuse : plusieurs plans séquence sont d’une pure beauté. À ce titre, le mariage de Noomi Marks et Amanita, est tout simplement grandiose ! Même les scènes intimes, d’ordinaire trop convenues, voire aguicheuses, sont, sans mauvais jeu de mot, extrêmement léchées. L’esthétique de ces scènes d’amour est telle qu’elle fait vite oublier le genre et le nombre de personnages impliqués. L’amour est sublimé et devient le centre de l’action !
S’agissant d’action justement, la série propose aussi des séquences percutantes monumentales avec des effets spéciaux éblouissants qui laissent parfois totalement pantois comme cette scène de nouvel an à Berlin où les balles pleuvent aussi nombreuses que les flocons de neige.

Le générique est du même acabit. Il nous fait immédiatement entrer dans une ambiance à la fois multiculturelle et frénétique, un tourbillon où espoir et menaces ne font qu’un pour donner naissance à l’un des plus grands mystères de l’univers : l’amour !
La bande originale est, vous vous en doutez, magnifique elle aussi. Une BO magnétique de Tom Tykwer & Johnny Klimek qui s'accorde brillamment à l'atmosphère unique et particulière de la série. Elle se paie même le luxe de remettre de grands hits, compositeurs ou groupes au goût du jour tels « Whats up » de 4 Non Blondes, Ludovico Enodi, Depêche Mode avec I Feel You ou encore Hallelujah de Jeff Buckley et Feeling good superbement remixé par Avicii.
Les thèmes abordés sont pourtant très lourds et profonds : drogue, transsexualité, criminalité, religion, mariage, carrière, sexe, homosexualité, banlieue, prison ... C'est tellement rare de voir des thèmes comme la transsexualité abordés aussi frontalement à l’écran. Aucun tabou n’est épargné !

Si le fond de l'intrigue, avec son organisation ultra-secrète qui traque des êtres différents, n'est pas nouveau, le contexte et les idées qui la sous-tendent (activisme pro-queer entre autres) lui donnent une autre dimension. Le scénario est prenant et nous invite à une véritable orgie d'émotions et d’images.
Plastiquement superbe, brillant d'un point de vue narratif, emballant jusqu'au bout, une série marquante et une belle aventure immersive et sensitive.

Une œuvre inclassable, drame philosophique moderne combinant les codes de la science fiction, des comédies romantiques et des films d’action. Une série unique et définitivement hors norme dont on ressort totalement chamboulé après deux saisons et une puissante conclusion, quasiment à la hauteur de cet OVNI télévisuel.

En effet, les moyens considérables pour un tournage à travers le monde, assuré par 4 réalisateurs différents (T. Tykwer, J. McTeigue et D. Glass filant un coup de main et assurant le tournage dans certaines parties du monde), ont finalement eu raison de la série. Les coûts de productions démentiels ont obligé Netflix à arrêter la série au bout de deux saisons seulement.
Devant le tollé et la levée de bouclier des fans de la série, un final de plus de 2h a finalement « bouclé la boucle ». Globalement enlevé, on sent tout de même que ce final est un peu un condensé d’une troisième saison pleine résumée en un grand épisode.

Mais on pardonnera facilement quelques ellipses et facilités scénaristiques tant le spectacle est grandiose : à ce niveau là, Sense8 se hisse à la hauteur du cinéma et méritait sa place sur Cinémarco !




Commentaires