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« Wadjda » : Catch me if you can…

  • Marc-Olivier Fritsch
  • 17 sept. 2016
  • 4 min de lecture

De Haifaa Al Mansour (2013 – 97 minutes)

Avec Waad Mohammed, Reem Abdullah, Abdullrahman Al Gohani,…


Premier film saoudien, premier film réalisé en Arabie Saoudite et par une femme ! Bref, que de premières pour ce film dont le premier mérite est tout simplement d'exister...


Wadjda Waad Mohammed

Quand on sait que les femmes ne peuvent côtoyer les hommes en public en Arabie Saoudite et que le réalisateur, Haifaa Al Mansour, est une femme, alors « Wadjda » est en effet un petit miracle. Imaginez par exemple la direction des acteurs cachée depuis la chambre d'à côté...Ce petit miracle est doublé d’un joli paradoxe : le pays est dépourvu de salle de cinéma !


Certes, le film est plein de petits défauts, de maladresses, et manque parfois d’un peu de rythme. Mais on lui pardonne vite tant il est authentique et rempli de fraîcheur.

Évidemment, c'est avant tout un plaidoyer pour les femmes de ce pays et pour leur condition encore très améliorable, doux euphémisme...

Wadjda

A l'image de « Beijing Bicycle » (2001, Wang Xiaoshuai) ou du « Voleur de bicyclette » (1948, Vittorio De Sica), voilà encore une histoire de vélo, véritable symbole de liberté et d'émancipation.


Wadjda est une petite fille qui vit quasiment seule avec sa mère. Elle va à l'école pour filles, mais ne ressemble à aucune de ses camarades. Elle est rebelle dans l'âme, écoute du rock américain, porte des baskets et surtout rêve de battre son copain Abdallah à la course de vélo. Mais pour cela, il lui faut d'abord s'en procurer un. Lorsqu'elle trouve enfin le vélo de ses rêves et apprend qu'il est hors de portée de sa modeste bourse, Wadjda n'hésite pas à faire une entorse à ses principes de rebelle: elle s'inscrit au concours de récitation du Coran de son école pour gagner le prix très rémunérateur.

Wadjda

A travers ce conte, simple en apparence, Haifaa Al Mansour dresse un portrait sans concession du sort très difficile encore réservé aux femmes et aux jeunes filles en Arabie Saoudite de nos jours. A la manière d'une peintre pointilliste, elle sème les petits détails pour nous renseigner sur le sujet. Ainsi, les filles ne doivent pas parler ou rire trop fort de peur que les hommes ne puissent les entendre, sous entendu "ils ne résisteraient pas à cette tentation du diable" ! Ou encore, les filles n'ont pas le droit de se tenir la main ou encore moins donner un rendez-vous à un homme en dehors du mariage. Elles sont d'ailleurs mariées dès leur plus jeune âge avec des hommes bien plus âgés qu'elles et sont censées en être fières.


Le film montre aussi assez subtilement l'endoctrinement permanent. La directrice de l'école, pourtant elle-même femme rebelle en privé, est le meilleur gardien de ces traditions oppressantes. Véritable dragon, elle ne manque jamais une occasion de surveiller, disputer ou encore monter les filles les unes contre les autres.

Tout est d’ailleurs rapport aux hommes et à la religion. Les filles doivent apprendre par cœur à psalmodier les sourates du Coran. Livre sacré qu'elles n'ont le droit de manipuler qu'à travers un mouchoir lorsqu’elles ont déjà leurs règles ! Le système d'endoctrinement est pervers: il encourage à la délation et installe une course de jalousie aux meilleurs réciteurs zélés du Coran...


Wadjda

La mère de Wadjda n'a pas une vie bien plus enviable que sa fille. Son mari passe rarement la voir à la maison et en repart aussitôt lorsque c’est le cas. Pourtant d'une rare beauté, son plus grand tort aux yeux de son mari et de sa belle-mère, est de ne pas être capable de donner naissance à un fils. Aussi, le mari a tout simplement le droit de prendre une seconde épouse !


Wadjda

Au-delà de ces détails qui empoisonnent le quotidien des femmes arabes et dont on se doutait malheureusement, le film recèle pourtant d'agréables surprises. Si les femmes se doivent de porter le voile intégral dès qu'elles sortent, elles sont en revanche totalement « occidentalisées » à la maison. Elles portent des jeans, se maquillent de la tête aux pieds et cherchent à acheter les robes les plus sexy. Bien entendu, ce n'est jamais pour leur propre plaisir, mais uniquement pour celui de leur mari dont elles cherchent à conserver le monopole...


Autre surprise, la modernité des intérieurs et des équipements. Les appartements sont chichement décorés de couleurs vives. Les gens ont tous des téléphones sans fil dernier cri et le père joue à des jeux vidéos certainement américains sur une télévision grand écran à haute définition.

Wadjda

Outre les couleurs, la lumière est également omniprésente. Le sable est étonnamment relativement absent en revanche. Tourné à Ryad, la capitale saoudienne, la réalisatrice a opté pour des images très nettes, épurées et lumineuses.


Les deux actrices du film sont éblouissantes et portent littéralement l'œuvre sur leurs épaules. Que ce soit Waad Mohammed en fille indocile et obstinée ou Reem Abdullah en mère et épouse parfaite, les deux femmes crèvent totalement l'écran. Comment ne pas revenir d’ailleurs sur la beauté incroyable de Reem Abdullah, actrice de télévision dont c'est le premier film. Elle irradie la pellicule de son charme au point de nous faire regretter encore davantage de ne pas avoir l'occasion de pouvoir apprécier plus souvent la beauté de ces femmes arabes.

Wadjda

Au final, la morale de l'histoire est certes un peu simpliste : "les femmes, seules contre ce monde d'homme et d’oppression". Avec un tel message, les médias ne pouvaient qu’être complaisants. Pour autant, le film évite la caricature sur les hommes, eux-aussi pris dans cette logique de système. Le propos, non dénué d’humour, se veut simple, accessible et sans leçon de morale excessive. Finalement, ce film témoignage est un objet cinématographique rare et vaut la peine, ne serait-ce que pour cela, d'être vu.

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