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« Malcolm & Mary » : Le cinéma a besoin d'avoir un coeur et du jus!

  • Marc-Olivier Fritsch
  • 19 mars 2021
  • 4 min de lecture

De Sam Levinson (2021 -106 minutes)

Avec John David Washington et Zendaya


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Du grand, du grand très cinéma comme on en voit rarement. Tout est beau dans ce film noir et blanc d'une richesse extraordinaire!


D'abord, la photo est incroyable dans ce film tourné sur pellicule. Avec une esthétique léchée à souhait, le réalisateur excelle à trouver des plans tous plus incroyables les uns que les autres. Bien que l’histoire ne se déroule qu’en un seul et même lieu, le réalisateur maîtrise l’art des travellings pour dynamiser le récit.

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Cette mise en scène élégante se retrouve aussi dans l’usage de jeux de miroirs représentant autant de métaphores des deux personnages déchirés entre narcissisme et amour de l'autre.

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Ensuite, la bande son, soul et jazzy, correspond parfaitement à cette ambiance voulue de vieux film. Le décor de cette maison luxueuse en pleine nature est sublime.

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Certes, cette recherche de l'esthétique à outrance est parfois un peu agaçante. Comme si cette oeuvre auteuriste de Sam Levinson en faisait un peu trop. Ou encore comme si Netflix tentait de gonfler son catalogue pour faire du pied aux cinéphiles plus exigeants Mais les dialogues sont tellement précis, ciselés et percutants, que la forme sert réellement le fond. Elle n'est pas un moyen en soi comme dans certains films de Dolan. Ici, un couple se déchire. Dans un huis-clos intense en noir et blanc, un seul dialogue tient le spectateur en haleine de bout-en-bout. Sous forme de théâtre filmé, le couple se livre à une véritable guerre d'ego où pleuvent les règlements de compte. Chacun à son tour plante des banderilles perverses. Les mots sont des armes qui blessent, font mal et acculent l'autre. Mais dans cette relation tumultueuse, ce jeu de pouvoir, on aime l’autre encore davantage lorsqu’on croit le détenir. Dans ce paradoxe apparent, l'amour et la haine sont les deux faces d'une même médaille.

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Rarement, depuis Eyes Wide Shut de Kubrik, un film n'aura aussi bien décrit la complexité du concept de couple. Un rapport de force incessant où l'égo pervertit tout. Chacun veut gagner, prendre le dessus sur l'autre alors qu'au fond, personne ne peut y gagner. D'une finesse psychologique renversante, l'écriture du film est vraiment somptueuse.


Un couple d’artistes bourgeois revient d’une soirée de présentation d’un premier film. Lui, jeune réalisateur noir narcissique, joué par John David Washington, est transporté de fierté devant l'accueil positif réservé à son oeuvre. Il n'a qu'une idée en tête: fêter sa réussite, s'auto-celebrer en compagnie de sa conjointe.

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Le moins qu'on puisse dire c'est que le fils de Denzel a de qui tenir! Il parvient à donner des tonalités d'une fantastique diversité à son personnage. S'emportant parfois dans des monologues colériques sans fins, il se transforme la minute suivante en un amant d'une grande douceur.


Elle, jouée par Zendaya, l'ex de Disney et future actrice de Denis Villeneuve dans Dune, est totalement bluffante. Se décrivant elle-même comme "une grande asperge", son personnage campe une jeune actrice un peu princesse, qui, blessée, laisse peu à peu tomber ses vêtements et ses artifices de beauté pour se mettre littéralement à nu émotionnellement.

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Les deux acteurs sont au summum de leur art. Ils incarnent à la perfection ces deux artistes passionnés et egocentrés. Leur relation est comme une oeuvre d'art née dans la souffrance et le doute mais si puissante et vitale à exprimer. Les masques sont nombreux et trompeurs. Les faux semblants, la mauvaise foi, et les mesquineries sont monnaie courante.


Si les acteurs et les images sont noirs et blancs, rien n'est totalement noir ou blanc dans les personnages. Ces derniers sont tantôt laids, tantôt grandioses. Dans un verbiage parfois un peu longuet, la tension ne cesse de monter entre accès de colère et silences pesants.

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En plus de cette ode au couple, le film traite de plusieurs autres problématiques essentielles dans nos sociétés modernes.

Dans un monde tellement polarisé ou le politiquement correct interdit toute réflexion de fond, il interroge par exemple le poids des identités. Peut-on être jugé sur ce que l'on fait sans être jugé sur ce qu'on est, ou du moins sur ce que les autres voient en nous? Un artiste ou un créateur noir est-il ainsi condamné à produire une oeuvre en relation avec sa couleur de peau ou même son genre ? En réalité, n'a-t-on pas plusieurs identités qui influencent toutes nos créations ?

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Le film rend aussi hommage à la création artistique. À travers l'exemple du cinéma, il revient sur la relation d'un auteur avec son oeuvre. Ainsi, une oeuvre appartient-elle vraiment à son auteur? Quelle place tient la critique ? Peut-elle être objective ? Malcolm finira d'ailleurs par s'écrier: "Le cinéma n'a pas besoin de véhiculer un message, il a besoin d'avoir un coeur et du jus!" À travers ce scénario décidément incroyablement riche transpire une dernière reflexion. Celle sur l'accroissement des inégalités et des discriminations. Riches versus pauvres, blancs versus noirs, masculin versus féminin: toutes nos identités se confrontent en permanence.

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Alors oui, ce cinéma très théâtral centré sur la qualité des dialogues ne peut pas plaire à tout le monde. De mon côté, j’en redemande !

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