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"Hombre" : « Tachez de ne pas vomir, vous pourriez patauger longtemps dedans ! »

  • Marc-Olivier Fritsch
  • 1 avr. 2016
  • 5 min de lecture

De Martin Ritt (1967 – 111 minutes)

Avec Paul Newman, Diane Cilento, Richard Boone, Fredric March,…

Cela faisait longtemps...Eh oui, mon petit bout d'amour me laisse peu de temps pour savourer des films. Mais je vous reviens avec "Hombre", western atypique de Martin Ritt de 1967 avec Paul Newman. Sans nul doute un film qui a inspiré Quentin Tarantino pour « Les Huits Salopards ».

Hombre Paul Newman

Atypique et très moderne pour l'époque. Car des westerns "pro-indiens", il ne devait pas encore y en avoir des masses à cette date.


La force de ce film réside avant tout dans son mystère. Tout y est énigmatique. On se demande constamment si on a à faire à un thriller psychologique, une fresque historique, un western d'action qui monte en puissance ou encore un conte philosophique. "Hombre" est peut-être un peu tout cela à la fois.


A l'image de Paul Newman, "Blanc" élevé par les Apaches, métisse mutique à la colère intérieure, Martin Ritt dresse un portrait sans concession de l'Ouest américain. Filmant des paysages superbes, écrasés par la chaleur, cette Amérique est celle de la sueur et de la poussière.


Pour autant, point de manichéisme ici, tout est nuancé. Si les "Blancs" et leur racisme latent sont clairement critiqués, certains comme John Russell (Paul Newman) ou Jessie (Diane Cilento) sortent pourtant du lot. Idem pour les "Mexicains" qui forment une sorte "d'entre deux mondes", ni gentils ni méchants, ou plutôt parfois trop gentils, trop neutres, alors qu'eux aussi devraient réagir lorsqu'ils sont asservis par les "Blancs".


En regardant ce film de 1967 en 2016, on ne peut s'empêcher de penser au dernier Tarantino. Tous ces personnages, d'horizons très divers, qui se retrouvent par hasard dans cette diligence. Le huis clos qui les oblige au dialogue, les échanges qui fusent et la tension qui monte. Tout est calme en apparence, mais on sent que l'incendie n'est jamais loin. Un verbiage utile donc, contrairement à ce que certains détracteurs pourraient penser, tout comme pour "Les Huit salopards". Comme par hasard, « Hombre » est l’adaptation d’un livre écrit par Elmore Leonard, auteur dont les œuvres ont souvent inspiré des films dont un certain « Jackie Brown » (tiens, tiens…).


Cette longue et lente montée en tension permet aussi de prendre le temps de présenter chaque personnage et creuser leur psychologie. Là aussi, tout est subtilement amené et nuancé.


John Russell est-il le seul à comprendre que les indiens doivent être traités à égalité et qu'il y a beaucoup à apprendre d'eux ? N'a-t-il pas lui aussi ses failles comme lorsqu'il refuse de défendre ce soldat qui n'a pas hésité à lui venir spontanément en aide ? En définitive, est-il tout « blanc » ?!

Paul Newman Hombre

Et Jessie n'est-elle qu'une profiteuse arriviste qui squatte une propriété à ses propres fins ? Ou est-elle juste suffisamment maline pour s'en sortir avec ses charmes ? Dans ce jeu de survie, chacun en effet est en droit d'utiliser au maximum ses atouts. Et quelle surprise, quelle leçon de la découvrir au final comme la plus humaine et la plus sensée de tous, avec ce dialogue philosophique absolument somptueux entre elle et John:


John: "Madame, au milieu de ces montagnes, vivent de pauvres gens (NDLR, les indiens) qui ont tout perdu. Ils ne savent plus où dresser leurs campements. Le "Blanc" leur a fait connaitre l'insulte, la maladie, l'alcoolisme. Vous, vous appelez ces hommes des Chrétiens, vous leur faites confiance. Et moi, parce qu'ils sont blancs, je m'en défie. »

Jessie: "Russell, si on ne portait secours qu'aux personnes qui le méritent vraiment, l'existence dans ce monde deviendrait un enfer. Il ne faut pas traiter les gens qu'en fonction de leur mérite. Parce qu'aucun de nous n'en a beaucoup, ni moi, ni vous, ni autrui, ni personne."


Là aussi, tout est complexe. Chaque thèse est doit faire l’épreuve de l’antithèse, une belle dialectique.

Ainsi, si John Russell a bien évidemment raison de critiquer le sort réservé par les « Blancs » aux indiens, il n’en a pas moins tort de ne pas venir en aide à une personne pour la seule raison qu’elle serait « blanche ».


A côté de ce regard pro-indien décalé pour l’époque, Jessie est donc l’autre modernité de ce film. Son personnage incarne une femme libre, forte, indépendante et intelligente, loin des stéréotypes des années 1960 et des westerns traditionnels.

Hombre Diane Cilento

Evidemment, cela amène à évoquer la performance des acteurs, Paul Newman en tête. Son personnage n’est certes pas loquace, mais son fameux regards bleu intense est électrique. Il magnétise la pellicule à lui tout seul. Son charisme éclabousse l’écran à chaque scène. Sans connaître tous les détails de son histoire d’orphelin élevé par les Apaches, l’acteur parvient à nous faire sentir la puissance de ses capacités. Il faut dire que Martin Ritt et Paul Newman ont l’habitude de travailler ensemble puisque ce film était déjà leur sixième collaboration.


Diane Cilento est également très crédible. On hésite à classer son personnage dans les bons ou les méchants. L’actrice brouille les cartes à merveille. Femme mûre à la beauté encore resplendissante, pas uniquement en raison de son physique agréable, mais aussi de son caractère généreux et intelligent.


Tous les seconds rôles tiennent la route également, à commencer par Richard Boone en Grimes, truand vulgaire, injuste et violent.


Si Martin Ritt a donc clairement dirigé ses acteurs de main de maître, rendons aussi hommage à sa mise en scène sobre et efficace. J’aimerais prendre pour exemple la scène où la diligence arrive au premier relais. Le Docteur Favor, aristocrate suspect, demande au cocher mexicain de prier John Russell de quitter l’intérieur de la diligence lorsqu’elle redémarrera, au motif que sa femme ne supporte pas de partager l’habitacle avec un « indien ». Le mexicain, lui-même probablement déjà victime de discrimination, est embarrassé. Il entre dans le relais et se dirige vers John. L’angle de caméra alors choisi par Martin Ritt est sublime car en même temps que le mexicain pénètre dans le relais, on voit Grimes à travers la fenêtre, resté dormir dans la diligence, son stetson lui couvrant la tête. Avec ce seul choix d’angle, Martin Ritt permet le doublement du mystère et de la tension. En effet, on sent bien que Grimes est violent et incontrôlable. Le fait qu’il soit le seul à ne pas sortir de la diligence accroît encore la suspicion et l’angoisse. En même temps, il n’appartient aucunement au premier conflit naissant entre le Docteur Favor et John Russell : assurément du grand art !


Enfin, ceux qui me suivent savent qu’outre l’absence de manichéisme, j’apprécie aussi beaucoup les films dont la fin reste ouverte à l’interprétation du public. Cela permet le débat, stimule l’imagination sur la suite des événements et en définitive, cela donne un certaine immortalité à l’œuvre qui n’assène aucune vérité ultime ou leçon toute faite. « Hombre » est de cette vaine avec l’un des voleurs qui rôde toujours…


Un western à (re)découvrir absolument !

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