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Il ne faut pas vendre la peau de l'ours...

  • Marc-Olivier Fritsch
  • 3 févr. 2016
  • 5 min de lecture

De Alexandre Gonzalez Iñarritu (2015 -156 minutes)

Avec Leonardo Di Caprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson,…(SPOILER)

Fort de son Oscar de meilleur réalisateur l’an dernier avec le très intéressant « Birdman », Alexandre Gonzalez Iñarritu était attendu au tournant. D’autant que pour son nouveau film, « The Revenant », la promesse cinématographique était belle : casting 5 étoiles, notamment avec Tom Hardy et Leonardo Di Caprio, certainement l’un des meilleurs acteurs de sa génération, scénario original et bande annonce alléchante.

Au final, « The Revenant » est indéniablement un film qui tient aux tripes, au sens propre comme au sens figuré…Mais ses nombreuses invraisemblances, ses quelques longueurs, l’ultraviolence et un scénario relativement prévisible modèrent la réussite du film.

The Revenant affiche double poster

Deux scènes d’anthologie

La première demi-heure du film est vraiment tonitruante avec deux scènes d’anthologie : l’attaque fulgurante d’un campement de trappeurs américains par des indiens Arikaras et surtout la scène de l’ours d’un réalisme terrifiant !

D’un point de vue purement technique, l’assaut du campement a des allures de scène de débarquement inversé d’« Il faut sauver le soldat Ryan », tellement les flèches indiennes, telles les balles allemandes, fusent à une vitesse phénoménale, imprévisibles, impitoyables, provenant d’un ennemi d’abord invisible puis invincible et laissant comme seule alternative la mort ou la retraite.

Le film enchaîne rapidement avec la scène de l’ours. Jamais depuis 1988 et « L’Ours » justement de Jean-Jacques Annaud, cet animal n’avait été aussi bien rendu. Quand on sait, en outre, qu’il s’agit en réalité d’un cascadeur, la reproduction des mouvements naturels de l’animal est proprement incroyable ! Même les attitudes de la bête sont crédibles : tantôt protecteur bondissant de ses oursons, tantôt dominateur de son agresseur potentiel en le piétinant et à force hochements de tête, léchant victorieusement sa proie, la bave aux lèvres. Là encore, l’issue est inéluctable et la souffrance, puis la paralysie, de Léo (Hug Glass), sont très crédibles.


Invraisemblances et incohérences (attention spoilers…)

Malheureusement, passé cette première partie spectaculaire, le scénario s’enlise un peu et devient de moins en moins crédible. Comment Léo, laissé pour mort par ses compagnons, enterré et incapable de bouger, peut-il à peine quelques heures plus tard, se relever et ramper sur plusieurs mètres ? De même, comment peut-il s’endormir sous la neige et dans le froid, à moitié mort sur le cadavre de son fils, et tout de même se réveiller, puis ensuite ramper à nouveau sur plusieurs dizaines de mètres ? Enfin, et surtout, comment peut-il échapper aux impitoyables Arikaras qui finissent par rejoindre le cadavre de son fils alors qu’il n’a pu ramper que quelques minutes en laissant inévitablement une grosse trace ?

Iñarritu tente alors de s’en sortir par quelques ellipses, qui nous laissent malheureusement encore plus perplexes : arrivé en rampant au bord d’une falaise surplombant toute la vallée, Léo se retrouve l’instant d’après buvant l’eau de la rivière DANS la vallée !

Et que dire de l’hypothermie ? Après avoir dormi sous la neige, notre héros tombe dans l’eau glacée et en sort miraculeusement sans aucun problème, réussissant même à remarcher alors qu’il n’était même pas capable de tenir debout la scène précédente.

Peu importe, Léo est immortel, même lorsque son compagnon Pawnie se fait surprendre puis lyncher en pleine nuit par des Trappeurs Français à seulement quelques mètres de son abri de fortune constitué de quelques branchages.

Sans parler des risques d’infections avec ses nombreuses et profondes blessures, simplement écartés par une petite nuit et quelques remèdes naturels prodigués par son compagnon.

Ces invraisemblances vont parfois même jusqu’à l’incohérence. Ainsi, pourquoi Fitzgerald (Tom Hardy) ne finit-il pas ce qu’il avait commencé après avoir tué le fils de Léo, à savoir achever ce dernier, puisqu’il reste seul avec lui un bon moment avant que le jeune Bridger ne le rejoigne ?

De même, pourquoi le Capitaine Henry est-il le seul à accompagner Léo dans sa traque de Fitzgerald à la fin du film alors que la veille il avait mobilisé toute sa troupe ?


Léo veut son Oscar !

Ces quelques bémols sont heureusement compensés par le très bon jeu d’acteurs et la maestria technique d’Iñarritu.

Léo joue remarquablement bien et est assurément un grand acteur qui mérite un Oscar. Mais le mérite-t-il vraiment pour ce rôle ? Son jeu est en effet relativement linéaire. Peu de variation, juste une souffrance continue et une détermination à venger son fils nourrissant son instinct de survie. La prestation de Léo dans « Le Loup de Wall Street » (2013) était probablement plus riche car plus complexe et plus diversifiée. Toutefois, Léo devrait un jour comprendre que la qualité d’un acteur ne se limite pas à la capacité à déformer son visage pour exprimer des émotions.

Tom Hardy joue très juste également. Mais on ne peut pas s’empêcher de penser qu’un autre acteur aurait aussi pu faire le job. Et quel dommage de ne pas reconnaître l’extraordinaire Tom Hardy de « Mad Max Fury Road » (2015) sous cette barbe et ce costume !


Iñarritu au point techniquement mais un peu juste sur le contemplatif

Enfin, Inarritu livre tout de même une très belle œuvre, très maîtrisée sur le plan technique. La lumière et la photographie sont très pures (merci au Directeur photo fétiche de Terence Malick, Emmanuel Lubezki), la nature sauvage et la neige deviennent des personnages à part entière. Les plans larges des paysages enneigés sont somptueux. La traque enneigée n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de « Seraphim Falls » en 2005. Certains plans séquence alternés avec des caméras épaule permettent d’être littéralement immergés dans l’aventure de Léo comme lorsqu’il se fait surprendre par des Arikaras au petit matin dans son sommeil et qu’il fuit à toute allure sur son cheval. Attention toutefois aux quelques gros plans parfois un peu trop téléphonés de branches de sapin enneigées au soleil…

A l’image justement de Terence Malick en 2005 dans « Le nouveau monde », l’onirisme cher à Iñarritu est partout, notamment au travers des rêves agonisants de Léo le ramenant à sa famille (l’actrice jouant sa femme n’atteignant en revanche pas le magnétisme de Q’Orianka Kilcher chez Malick). Mais Iñarritu ne parvient pourtant pas à atteindre la profondeur de Malick, ce qui est gênant quand le film repose beaucoup sur l’ambiance pesante.

Un film contemplatif allonge en outre parfois trop le propos. Ce dernier est tout de même intéressant et pose de nombreuses questions, certaines déjà soulevées par Kevin Costner dans « Dans avec les Loups » en 1991 : entre les indiens et les colons, y avait-il d’un côté les bons et de l’autre les méchants ? Ou bien la situation était-elle bien plus complexe avec des malveillants et des bienveillants dans les deux camps et des divisions dans chaque groupe (Pawnies vs Arikaras, Français vs Anglais,…) ?


Un film marquant

Au total, Iñarritu livre un film brutal, marquant indéniablement les esprits et lançant l’année cinématographique sur des bases élevées. Il a pourtant encore des marges de progression ce qui nous laisse augurer de bien belles régalades à l’avenir…

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